Exclusif: Une compagnie pétrolière se retire des terres de tribus isolées suite à une campagne de Survival

21 Mars 2017

Salomon Dunu, un indien Matsés qui a survécu au traumatisme du premier contact, parle à un collaborateur de Survival au sujet de la menace de l’exploration pétrolière pour son peuple. Une vidéo de Salomon a été visionnée par plus de 4 millions de personnes sur la page Facebook de Survival. © Survival

Cette page a été créée en 2017 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.

Une compagnie pétrolière canadienne a déclaré à Survival international qu’elle quittera le territoire de plusieurs tribus isolées en Amazonie, sur lequel elle avait eu l’intention d’explorer des gisements d’hydrocarbures. 

La compagnie, Pacific E&P, avait auparavant obtenu une licence d’exploration pétrolière sur une large zone de la Frontière de l’Amazonie isolée, une région d’une immense biodiversité habitée par le nombre le plus élevé de tribus isolées au monde. Elle avait entamé sa première phase d’exploration pétrolière en 2012. 

Cette démarche fait suite à une campagne menée pendant de nombreuses années par Survival International et de nombreuses organisations péruviennes autochtones, notamment AIDESEP, ORPIO et ORAU. ORPIO poursuit le gouvernement en justice en raison des menaces de l’exploration pétrolière. 

Des milliers de sympathisants de Survival ont protesté en envoyant des mails au PDG de la compagnie, en interpellant le gouvernement péruvien et en contactant la compagnie à travers les réseaux sociaux. 

Survival a également publié une lettre ouverte, protestant contre les dangers de l’exploration pétrolière, qui a été signée par la Rainforest Foundation Norway et ORPIO. Une campagne soutenue a contribué à attirer l’attention sur cette affaire au Pérou et à travers le monde. 

Depuis des générations, les Matsés dépendent et gèrent une large zone de la Frontière de l’Amazonie isolée. © Christopher Pillitz

Dans une lettre, le responsable des relations institutionnelles et du développement durable de Pacific E&P écrit: « [La compagnie] a pris la décision de renoncer à ses droits d’exploration dans le Bloc 135 (…) avec effet immédiat. (…) Nous souhaitons réaffirmer l’engagement de la compagnie à conduire ses opérations selon les plus hauts principes de développement durable et des droits de l’homme. » 

Lors d’une réunion de leur communauté fin 2016, un homme matsés, dont la tribu a été forcée d’entrer en contact à la fin du XXème siècle, a déclaré: « Je ne veux pas que le pétrole et la guerre détruisent mes enfants. (…) C’est contre ça que nous nous défendons (…) et que nous, les Matsés, nous sommes réunis. Les compagnies pétrolières (…) nous insultent et nous ne resterons pas muets alors qu’ils nous exploitent sur notre propre territoire. Si c’est nécessaire, nous mourrons dans la guerre contre le pétrole. » 

L’exploration pétrolière implique des intrusions prolongées dans les territoires, ce qui accroit considérablement le risque de contact forcé avec les tribus isolées. Elles deviennent vulnérables à la violence des étrangers qui volent leurs terres et leurs ressources, ainsi qu’aux maladies, telles que la grippe et la rougeole, face auxquelles elles ne sont pas immunisées. 
 
Les militants se sont félicités de l’annonce de retrait; il s’agit d’une avancée significative dans la lutte pour la protection de la vie et des terres des peuples isolés, ainsi que pour les droits de l’homme. 

Le directeur de Survival, Stephen Corry, a déclaré : « C’est une excellente nouvelle pour la campagne mondiale en faveur des peuples isolés et pour tous ceux qui souhaitent arrêter le génocide qui s’est étendu sur les Amériques depuis l’arrivée de Christophe Colomb. Tous les peuples isolés sont gravement menacés à moins que leurs terres ne soient protégées. Nous pensons qu’ils représentent une part essentielle de la diversité de l’humanité et qu’ils méritent que leur droit à la vie soit défendu. Nous continuerons à mener la lutte pour les laisser vivre. » 

La région comprend la Sierra del Divisor, ou « Les montagnes du bassin versant », une région unique à forte biodiversité, connue pour ses sommets en forme de cônes. © Diego Perez

Informations complémentaires
▪ Le bloc pétrolier 135 se situe à l’intérieur de la proposition de réserve autochtone Yavarí Tapiche. AIDESEP, l’organisation des Indiens de l’Amazonie péruvienne, exige la création d’une réserve depuis plus de 14 ans. 
▪ Une partie de la concession pétrolière se situe à l’intérieur du parc national de la Sierra del Divisor récemment créé. Le gouvernement péruvien avait attribué des droits d’exploration à Pacific E&P au sein du parc. 
▪ La région Yavarí Tapiche fait partie de la Frontière de l’Amazonie isolée. Cette zone est à cheval sur les frontières du Pérou et du Brésil et constitue l’habitat d’un nombre de tribus isolées plus élevé que partout ailleurs dans le monde.
▪ Le Pérou a ratifié la Convention 169 de l’OIT, la loi internationale de défense des droits des peuples autochtones, ce qui l’engage à protéger les droits territoriaux autochtones. 
▪ Les tribus isolées de cette région restent méconnues. Certaines sont présumées matsés, mais d’autres peuples isolés nomades vivent dans cette zone.

La Frontière de l’Amazonie isolée, une importante région à la limite du Pérou et du Brésil, constitue l’habitat de la plus haute concentration de tribus isolées au monde. © Survival International

Les peuples isolés ne sont pas des reliques primitives d’un passé révolu. Ils sont nos contemporains et représentent une part essentielle de la diversité de l’humanité. Là où leur droits sont respectés, ils continuent à prospérer.

Leur savoir est irremplaçable et s’est développé sur des milliers d’années. Ils sont les meilleurs gardiens de leur environnement. Il est prouvé que les territoires autochtones constituent la meilleure barrière contre la déforestation.

Les conséquences seront désastreuses pour tous les peuples isolés si leurs territoires ne sont pas protégés. Survival mène la lutte mondiale pour sécuriser leurs terres et leur donner la possibilité de déterminer leur propre avenir.

La Frontière non contactée
Peuple

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