Les Kawahiva non contactés en danger : au bout de dix ans, la démarcation de leur territoire au Brésil est au point mort

11 Octobre 2023

Face à des bûcherons armés et à de puissants éleveurs, les derniers Kawahiva ont été contraints de vivre en fuite. Image exclusive prise par des agents du gouvernement lors d’une rencontre fortuite. © FUNAI

Dix ans après la diffusion par les autorités brésiliennes d’images inédites montrant l'existence d'un peuple amazonien non contacté, leurs terres n'ont toujours pas été entièrement protégées, et elles sont encerclées par des exploitants forestiers et des accapareurs de terres.

En 2013, la FUNAI, le département brésilien des affaires autochtones, avait publié une vidéo qu'elle avait filmée lors d'une rencontre fortuite avec les Kawahiva non contactés de l'État du Mato Grosso, au cœur de l'Amazonie.

Survival International avait ensuite lancé une campagne mondiale aux côtés de personnes autochtones, appuyée par une vidéo narrée par l’acteur oscarisé Mark Rylance, et fait pression sur les autorités brésiliennes afin qu’elles agissent. En 2018, les éleveurs de bétail et les bûcherons qui occupaient le territoire des Kawahiva avaient été expulsés.

Mark Rylance, lauréat d'un Oscar et ambassadeur de Survival, enregistrant la voix off du court-métrage Les derniers des Kawahiva en 2015. © Survival International, 2015

Mais depuis, le processus de protection des terres est au point mort : les exploitants forestiers et les accapareurs de terres encerclent leur territoire, et une route illégale a été construite à seulement deux kilomètres de là.

Une équipe de la FUNAI, installée dans un poste de protection situé à proximité, s'efforce d'empêcher les bûcherons et les éleveurs d'entrer malgré les dangers : leur poste a été attaqué à plusieurs reprises.

Les massacres et les maladies ont déjà tué de nombreux Kawahiva. La seule chance de survie pour celles et ceux qui restent est de voir enfin leur territoire démarqué (à savoir qu’il soit légalement reconnu et délimité).

Le gouvernement a déjà reçu deux délais pour achever la démarcation du territoire des Kawahiva : en 2013 – l'année où la vidéo a été diffusée pour la première fois –, un tribunal brésilien avait ordonné la démarcation. Dix ans plus tard, cela n'a toujours pas été fait et, en août de cette année, la Cour suprême du Brésil a donné à la FUNAI un délai de soixante jours afin de mettre au point un plan pour la démarcation définitive du territoire.

Eliane Xunakalo, de l'organisation autochtone FEPOIMT (Fédération des peuples et organisations autochtones du Mato Grosso), a déclaré aujourd'hui : « Il est essentiel d'achever la démarcation pour les membres de notre famille qui n'ont pas été contactés. Le territoire de “Kawahiva do Rio Pardo” est convoité par des personnes non autochtones, et il est également extrêmement dangereux pour les employés de la FUNAI qui travaillent au poste de protection. Nous ne pourrons garantir la survie de nos proches non contactés que si le territoire est démarqué.

« C'est à nous de protéger nos proches, de protéger leur mode de vie, parce qu'ils sont la résistance et la résilience au milieu de toutes ces menaces et de tous ces défis qui existent ici dans le Mato Grosso », a-t-elle ajouté.

La directrice de Survival Brésil, Sarah Shenker, a déclaré aujourd'hui : « Il s'agit de l'un des cas les plus importants parmi ceux des peuples non contactés au Brésil. Les Kawahiva ont survécu à d'innombrables attaques génocidaires ayant anéanti nombre d'entre eux. Le processus de démarcation des terres est au point mort, et les exploitants forestiers et les accapareurs de terres considèrent que le territoire est ouvert et exploitable. Nous savons qu'ils ont été actifs à l'intérieur de la forêt des Kawahiva, et toute rencontre entre les Kawahiva et ces personnes non autochtones, qui sont généralement armées, pourrait être meurtrière. Les autorités doivent agir maintenant pour achever le travail et protéger légalement le territoire des Kawahiva une bonne fois pour toutes. »

 

Note aux rédacteurs : 

Une précédente campagne mondiale menée par Survival International aux côtés des populations autochtones avait contraint les autorités à agir : en 2016, le ministre de la Justice avait signé un décret pour que la terre soit démarquée en tant que territoire autochtone. Puis, en 2018, les éleveurs de bétail et les bûcherons qui occupaient le territoire des Kawahiva avaient été expulsés. Mais le processus de démarcation n'a jamais été achevé.

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